En conséquence, la garantie décennale est applicable lorsque l’on est en présence de dommages d’une certaine gravité, abstraction faite de leurs causes et origines et alors même que lesdites causes et origines des dommages ne seraient pas connues, l’indétermination des causes et origines des dommages étant indifférente à l’application de la garantie décennale (CASS. 3ème CIV. 1er Dec 1999 Bull CIV III n°230).
Enfin, il convient de souligner que le critère d’impropriété à destination doit être apprécié par rapport à l’ensemble de l’ouvrage (CASS. 3ème CIV 7 Dec 1988 Bull. CIV III n° 174).et qu’il doit être apprécié au regard de la destination convenue à l’origine de la construction (CASS. 3ème CIV. 11 Fev 1998) tout particulièrement lorsque l’ouvrage en question a une vocation professionnelle.
Force est de constater que si l’atteinte à la solidité de l’ouvrage apparaît comme un critère objectif, et d’application stricte, il n’en est pas forcément de même de l’impropriété à la destination de l’ouvrage.
Le législateur de 1978 l’a choisi de préférence à deux autres "l’interdiction absolue d’utilisation", critère considéré comme peu protecteur des intérêts des usagers, et celui "d’interdiction d’utilisation dans des conditions normales d’habitabilité", critère qui est apparu comme trop restrictif.
Pour autant l’adoption de ce critère a fait l’objet de critiques, de la part notamment du professeur MALINVAUD, qui a pu dire, à l’occasion d’un colloque organisé en 1988, par la SMABTP, sur le régime SPINETTA : « Elle est par sa nature même imprécise … Elle est fonction, pourrait-on presque dire, de l’humeur du juge, c'est-à-dire de sa réaction en tant que consommateur de logement, elle est fonction de l’état des mœurs qui d’évidence évoluent…. »
Il est donc intéressant, 25 ans après l’adoption de ce critère par la loi, pour mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs, d’essayer d’en cerner l’interprétation jurisprudentielle qui en a été faite, en fonction de l’évolution des moeurs.
On constate que la Cour de cassation, si elle ne s’est pas substituée aux juges de fond pour décider de l’influence des dommages sur l’impropriété à la destination de l’ouvrage, a exercé un contrôle et censuré systématiquement les juges, lorsque pour appliquer la garantie décennale, ils se bornaient à relever les malfaçons des ouvrages, sans prendre le soin de préciser en quoi ces malfaçons revêtaient la gravité requise.
A la lecture des décisions rendues, on peut distinguer deux grandes catégories d’impropriété à la destination de l’ouvrage :
Celle qui se réfère à sa dangerosité et celle qui se réfère à son inaptitude, sans oublier que la Cour de cassation a par ailleurs, eu à rappeler que c’est l’ouvrage dans son entier qui doit être rendu impropre à sa destination et non la partie d’ouvrage ou l’élément d’équipement atteint de malfaçons, comme certains tribunaux avaient tendance à le juger.